La vanité d'Annie Leibovitz n'est pas une dénonciation des richesses, mais l'expression d'un rapport moderne au luxe, par la figure de l'homme magnanime.

Premier détail essentiel : l'insertion d'un crâne sur la petite table au droite de l'image constitue clairement une allusion de Annie Leibovitz à la grande tradition de la vanité. Le message en est clair : comme dans les ambassadeurs de Holbein, le crâne est là pour témoigner de l'inconstance des choses et de la mort, de la fragilité du luxe et de la vanité de s'y laisser prendre. Le rapprochement est d'autant plus fort qu'ici comme chez Holbein il est question de musique, art de l'harmonie par excellence, harmonie fragile que la mort menace de détruire et d'emporter dans l'oubli.
Mais tandis que les ambassadeurs ne semblent pas se douter de la vanité des choses qu'ils chérissent, le personnage de la publicité Vuitton (surnommé le pirate, eux aussi familiers des crânes humains) ne peut l'ignorer. Contrairement au tableau de Holbein où les instruments sont posés sur un guéridon, et auxquels il manque des cordes, Keith Richards joue encore et reste actif en dépit de son (grand) âge et de son air mélancolique. Le rolling stone aura justement tenté de dépasser la mort en atteignant la gloire et l'immortalité. Le traitement de la vanité est donc plus subtil qu'une simple dénonciation des richesses.
Deuxième détail essentiel : à gauche du personnage, la tasse de café posée sur la malle Vuitton est l'indice d'un certain rapport au luxe. Pas question ici de surprotéger l'objet précieux. On ne se soucie guère de le tacher, de l'abîmer : l'objet de luxe doit vivre, il s'use et le véritable homme de goût, l'homme magnifique selon Aristote, est justement celui qui se tient à égale distance du mépris des biens précieux (qui les gaspille ou les détruit), et du fétichisme vulgaire. L'homme de goût ne vandalise pas, mais il ne surprotège pas non plus.
Plus qu'une vanité, la publicité devient par conséquent l'expression en image d'une philosophie du luxe et de la marque, où le personnage, désinvolte et décontracté, se montre détaché des choses matérielles, tout en étant capable d'y prendre goût. Conscient de la vanité de la vie, il sait profiter des plaisirs éphémères qu'elle offre (dont le voyage et la musique sont des exemples absolus).
Au moment de conclure, je vois qu'Alain Koros a publié une chronique il y a déjà longtemps sur le même sujet dans le site Arrêt sur Image. La preuve qu'il ne faut jamais attendre quand on a une idée.
Lire ici d'autres papiers sur Louis Vuitton :
http://lartetlesmarques.blogspot.fr/2017/05/lara-stone-au-bois-damour-ophelie-post.html
http://lartetlesmarques.blogspot.fr/2017/05/madonna-van-dongen-post-venir.html
http://lartetlesmarques.blogspot.fr/2009/10/madonna-le-luminisme-et-le-pop-art.html
http://lartetlesmarques.blogspot.fr/2010/05/dior-vuitton-loptical-art-et-le-decor.html
http://lartetlesmarques.blogspot.fr/2011/04/le-mouvement-de-louis-vuitton.html
http://lartetlesmarques.blogspot.fr/2012/05/la-joconde-de-vuitton.html
http://lartetlesmarques.blogspot.fr/2017/05/le-dinosaure-et-le-sac-main-vanite-xxl.html
3 comments:
oui, j'ai du mal à croire que korkos n'ai été qu'une coincidence dans ce post. Intéressants et valides ajouts cependant.
totale coïncidence pourtant. j'ai transmis depuis mon post à M. Korkos.
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