Wednesday, March 17, 2010

Sonia Rykiel et les trois grâces

Le thème des trois grâces n'est pas si fréquent dans la publicité : il est assez joliment mis en scène dans la nouvelle campagne de la collection maille Sonia Rykiel pour H&M.











Plusieurs publicités de la campagne Sonia Rykiel pour H&M mettent en scène trois personnages qui peuvent rappeler les trois grâces de la mythologie greco-romaine. Outre que les portraits de groupe sont relativement rares dans la publicité et en particulier dans la mode, le groupe de trois est un cas plus rare encore. Benetton a également adopté un modèle proche, que ce soit pour le photographe Josh Olins en 2010 (à gauche) ou David Sims en 2008 (à droite).














Le rapprochement avec les trois grâces se justifie à plusieurs titres pour Sonia Rykiel. D'abord, d'un strict point de vue symbolique, les trois charités ou trois grâces sont personnifient la vie dans toute sa plénitude, dans tout ce qu'elle a de plus intense. Elles symbolisent la joie à son sommet, l'allégresse (Euphrosyne), l'abondance ou le surplus qui va de pair avec la générosité (Thalie) et la beauté comme splendeur, éclat (Aglaé). Sonia Rykiel est justement célèbre pour avoir voulu rompre avec les mines austères et graves des mannequins lors des défilés, et avoir voulu présenter des mannequins souriants, sautillant et virevoltant sur une musique entraînante.


Dans la culture grecque, les grâces ne doivent pas être entendues comme un synonyme de "filles gracieuses". Grâce renvoie à "gratification", aux choses que la vie nous accorde "gracieusement" comme la "grâce présidentielle" qui n'a rien à voir avec l'allure gracieuse du président. Une grâce désigne tout ce qui nous arrive de positif dans la vie. Les grâces sont le plus souvent représentées l'une de dos et les deux autres de face pour signifier qu'une grâce reçue oblige à en rendre deux. La culture grecque place en effet l'échange don / contre-don au coeur de sa philosophie de la généorité.














D'où la représentation d'une dyssémétrie 2/1 que l'on retrouve jusque dans les représentations modernes des grâces jusque chez Rykiel où pour deux grâces habillées en rouge l'autre est vêtue de jaune, pour deux grâces en robe l'autre porte un mini short ; chez Benetton l'une est de dos, etc... le plus souvent l'un des personnage se distingue des deux autres qui ont quelque chose en commun. Derrière l'effet strictement visuel qui évite d'ennuyer l'oeil en lui offrant trois figures semblables ou de le disperser en lui présentant trois figures distinctes, la représentation des grâces porte une symbolique secrète.

Saturday, March 13, 2010

César et Loewe

Petite surcharge de travail ces temps-ci, mais bientôt petit post avec les références des images et petit commentaire. Le voici.

L'un des enjeux de la communication des marques et produits de mode et d'habillement consiste dans la représentation du mouvement, qui est lui-même un enjeu-clé de toute l'histoire de l'art : comment faire sentir que "ça bouge" ?
La diffusion de vidéos est évidemment un moyen de contourner l'obstacle (de plus en plus utilisé dans les boutiques avec les écrans plats). Mais l'image fixe est également une occasion de montrer que ce qui est présenté n'est qu'un mouvement pris sur le vif, et que ce qui est indubitablement figé est en réalité profondément animé.














Les vitrines de la boutique Loewe de l'avenue Montaigne (Paris) empruntent clairement à César sa technique des expansions colorées : le geste de l'artiste et la coulure du liquide sont progressivement figés grâce aux propriétés plastiques du polyuréthane.














L'expansion à la César permet la gélification du mouvement, la fixation de l'éclabussure dans l'instant où elle se forme. Le seau et le liquide coloré de Loewe offrent une illustration assez spectaculaire de ce geste, et la méditation qu'elle permet illustre la poésie du sac porté qui se balance au bras d'une femme ou du soulier aperçu furtivement dans la marche.











La prouesse visuelle de la vitrine, au-delà d'une référence simplement formelle avec César, consiste à suggérer l'extrêmement fluide par l'extrêmement figé. C'est peut-être l'essence de la mode. Il fallait faire sentir que ce que l'on peut observer tranquillement dans une vitrine n'a de sens véritable que lorsque qu'il n'est qu'entraperçu dans la "vraie vie", et n'est réellement contemplé que lorsqu'il n'est qu'entrevu.