
La jeune femme en robe rouge qui regarde par-dessus son épaule dans la dernière campagne DG Time retrouve la pose et l'attitude qu'affectionnait le groupe des peintres pré-raphaélites.


La confrérie des peintres pré-raphaélites est née vers le milieu du XIXème siècle, en opposition au conformisme formel de l'académisme victorien, avec ses poses affectées, très sophistiquées, le fini sombre et bitumeux. Les pré-raphaélites prennent modèle sur les artistes primitifs italiens, prônent un retour aux couleurs vives, à la simplicité d'un art vivant, des tableaux de plein air. La figure féminine popularisée par Dante Gabriel Rossetti (1828 - 1882) dans ses tableaux, drapée d'une robe longue de couleur vive, regardant le spectateur d'un air mélancolique inspire assez directement la figure de la jeune femme de la campagne D&G.

En même temps, le rapprochement s'arrête là, pour deux raisons essentiellement.
La première raison est que les peintres pré-raphaélites et en particulier Dante Gabriel Rossetti sont fascinés par le retour à la nature et à la culture médiévale, dont ils estiment qu'elle porte intacte une intégrité créative, des valeurs et une spiritualité qui se sont ensuite perdues ou émoussées dans les courants artistiques ultérieurs - pardon de faire court et de passer rapidement sur un courant artistique complexe, dont je ne suis pas spécialiste. Les pré-raphaélites investissent les thèmes bibliques, le mysticisme, la littérature et la poésie contre l'esprit matérialiste mécaniste et rationnel. Or cette atmosphère onirique de contes et légendes est relativement absente des visuels D&G.
La deuxième raison est que les clichés de la campagne prêt à porter AH 2009 - parallèle à celle des montres, toutes deux shootées par Mario Testino - se situent pour le coup dans une atmosphère qui n'a rien à envier à la peinture victorienne que les pré-raphaélites avaient justement en horreur. On dirait ces portraits de vieilles familles aristocratiques doucement décadents ou les scènes de genre que l'artiste Yinka Shonibare a justement parodié dans la série de photos "journal d'un dandy".


A la rigueur, il n'est pas inintéressant qu'une même campagne abrite cette tension entre deux courants artistiques opposés, comme si quelques déesse romantique échappée des mythologies médiévales s'était glissée au milieu des représentations lourdes et solennelles de la haute bourgeoisie.
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Dante Gabriel Rossetti :
Le rêve éveillé, 1880
Proserpine, 1877
Sous la tonnelle, 1872
D&G AH 2009 2010 par Mario Testino
Yinka Shonibare, Diary of a Victorian Dandy
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