L'affiche de la campagne du premier parfum Repetto met en scène la danseuse étoile Dorothée Gilbert sous l’œil du photographe James Bort.
Une première remarque : Repetto choisit de présenter la danseuse assise plutôt que debout ou dans l'effort. Ce choix exprime certainement l'envie de signifier l'univers des coulisses, de la préparation, et le personnage est logiquement présenté dans sa loge, avec le miroir et le reste (dans le lieu où normalement on se met du parfum, c'est logique). Ce choix exprime aussi (peut-être) l'idée qu'on s'adresse à un public qui ne fait pas forcément de la danse, qui ne porte pas non plus forcément les chaussures, mais qui gravite à la périphérie de cet univers, qui s'y intéresse et qui vit par conséquent dans les marges d'un monde auquel Repetto promet de leur faire accéder, fût-ce par procuration.
L'affiche mettant en scène une danseuse en ballerine et en tutu fait, presque mécaniquement, penser aux nombreux croquis réalisés par Edgar Degas ou bien Toulouse Lautrec, également fascinés par l'univers de la danse.
L'affiche mettant en scène une danseuse en ballerine et en tutu fait, presque mécaniquement, penser aux nombreux croquis réalisés par Edgar Degas ou bien Toulouse Lautrec, également fascinés par l'univers de la danse.
James Bort évoque aussi l'influence de Edward Hopper parmi ses inspirations artistiques pour ce cliché.On y retrouve effectivement quantité de jeunes et moins jeunes femmes assises, dans des loges, dans chambres d'hôtel, avec cette atmosphère de temps suspendu, intemporelle, silencieuse, dans laquelle baigne également Dorothée Gilbert.

Le rapport à la peinture est rendu encore plus sensible par le grain de la photo et les effets de flou (notamment sur le visage, et par endroits la photo ressemble effectivement à un pastel, c'est assez net lorsqu'on l'observe dans un abribus) et par le cadre blanc qui entoure le visuel.
Plusieurs différences significatives frappent aussitôt dans le choix de Repetto.
Par rapport à Degas, on note tout de suite que lorsque le peintre décide de présenter ses personnages assis, il montre des corps pliés, laçant leurs chaussons, jambes écartées, tête penchée vers le sol, des corps parfois avachis dans le cas de Toulouse Lautrec. Il y a une dichotomie entre le corps tendus et ouvert sur scène et le corps vouté, fatigué, replié dans les coulisses. Le temps de la préparation ou l'espace des loges sont consacrés à l'échauffement, à l'étirement, ou bien au repos. Cette rupture est parfois mis en scène dans les reportages sur la danse où l'on filme des danseuses sur scène, évoluant tout sourire avec une incroyable légèreté et puis la caméra les suit jusque dans les coulisses, où tout à coup les athlètes reprennent leur souffle comme des marathoniens après l'arrivée, la tête penchée, les mains posées sur les cuisses ou les genoux.
Chez Degas, pour voir des corps nobles et des regards levés vers le ciel, il faut que la danseuse soit sur scène. Chez Repetto, même dans les coulisses, le corps de la danseuse est maintenu, la tête vers le ciel, le costume impeccable, les pieds en pointe. On dirait qu'elle rêve. Curieusement, la jeune femme tourne la tête en direction de la droite et justement le cadrage de la photographie fait que les vêtements accrochés au mur à cet endroit là suggèrent la forme d'un personnage debout, avec le bas gris (qui est en fait en rideau) et le peignoir blanc en guise de tutu.

Le rapport à la peinture est rendu encore plus sensible par le grain de la photo et les effets de flou (notamment sur le visage, et par endroits la photo ressemble effectivement à un pastel, c'est assez net lorsqu'on l'observe dans un abribus) et par le cadre blanc qui entoure le visuel.
Plusieurs différences significatives frappent aussitôt dans le choix de Repetto.
Par rapport à Degas, on note tout de suite que lorsque le peintre décide de présenter ses personnages assis, il montre des corps pliés, laçant leurs chaussons, jambes écartées, tête penchée vers le sol, des corps parfois avachis dans le cas de Toulouse Lautrec. Il y a une dichotomie entre le corps tendus et ouvert sur scène et le corps vouté, fatigué, replié dans les coulisses. Le temps de la préparation ou l'espace des loges sont consacrés à l'échauffement, à l'étirement, ou bien au repos. Cette rupture est parfois mis en scène dans les reportages sur la danse où l'on filme des danseuses sur scène, évoluant tout sourire avec une incroyable légèreté et puis la caméra les suit jusque dans les coulisses, où tout à coup les athlètes reprennent leur souffle comme des marathoniens après l'arrivée, la tête penchée, les mains posées sur les cuisses ou les genoux.
Chez Degas, pour voir des corps nobles et des regards levés vers le ciel, il faut que la danseuse soit sur scène. Chez Repetto, même dans les coulisses, le corps de la danseuse est maintenu, la tête vers le ciel, le costume impeccable, les pieds en pointe. On dirait qu'elle rêve. Curieusement, la jeune femme tourne la tête en direction de la droite et justement le cadrage de la photographie fait que les vêtements accrochés au mur à cet endroit là suggèrent la forme d'un personnage debout, avec le bas gris (qui est en fait en rideau) et le peignoir blanc en guise de tutu.
La danseuse Repetto n'a pas non plus du tout l'air mélancolique ou absent qui caractérise les personnages de Hopper. On est dans le positif, le visage est dégagé, lumineux, souriant, la tenue est bien mise, le corps est ferme, le chignon impeccable, tout est nickel, la danseuse étoile ne se repose pas, c'est blanc, rose, féminin, sage. Aussitôt qu'on a mis le parfum, on est déjà sur scène, peut importe qu'on soit dans la loge ou dans la salle de bains.
Au-delà de ces télescopages et glissements opérés par rapport à la représentation de la jeune danseuse assise, l'image de Repetto est aussi un discours sur la marque : emblème d'un certaine tradition (danse classique, costume de scène, le parquet, les moulures, les boiseries, la table en bois, un veux cadre en bronze doré qui ressemble à une vieille photo - Rose Repetto peut-être ? - régularité des lignes des boiseries et de la table)... une certaine tradition qui rêve de l'avenir ou s'apprête à s'élancer au-delà.
L'axe du corps du personnage trace une ligne transversale qui coupe le visuel en deux et construit un mouvement ascendant du coin inférieur gauche vers le coin supérieur droit (robe + dos + tête relevée et les yeux qui regardent hors champ) qui donne un sentiment d'élévation, d'élancement, bien que la dame reste assise. Le miroir incliné vers le haut de la pièce participe de ce mouvement. Et c'est bien le propre de ces maisons de chercher à concilier l'histoire et l'avenir, la fidélité au passé et le rêve de grandeur nouvelle. C'est d'autant plus significatif pour une marque moribonde il y a 10 ans, qui s'est relevée et lance de nouveaux produits et un parfum aujourd'hui en France et demain dans le monde.
L'axe du corps du personnage trace une ligne transversale qui coupe le visuel en deux et construit un mouvement ascendant du coin inférieur gauche vers le coin supérieur droit (robe + dos + tête relevée et les yeux qui regardent hors champ) qui donne un sentiment d'élévation, d'élancement, bien que la dame reste assise. Le miroir incliné vers le haut de la pièce participe de ce mouvement. Et c'est bien le propre de ces maisons de chercher à concilier l'histoire et l'avenir, la fidélité au passé et le rêve de grandeur nouvelle. C'est d'autant plus significatif pour une marque moribonde il y a 10 ans, qui s'est relevée et lance de nouveaux produits et un parfum aujourd'hui en France et demain dans le monde.
Campagne Parfum Repetto 2013
Degas Danseuse assise, Musée d'Orsay, Paris
Degas Danseuse laçant ses chaussons
Toulouse Lautrec, Danseuse assise aux bas roses
Edward Hopper, Morning Sun, Columbus Museum of Art (Ohià)
Edward Hopper, Hotel Room, Fondation Thyssen-Bornemisza Madrid
Voir le chouette blog de James Bort.
J'ai également écrit un passage sur la marque Repetto dans le livre Brand Culture, publié chez Dunod avec Daniel Bo.