Une série d'affiches de la campagne automne/hiver 2015/2016 de la marque Céline présente les mannequins sur fond orange, dans plusieurs postures.
En réalité ce ne sont pas des photos de mannequins, mais des photomontages d'images découpées de mannequins. On a pris une photo, on l'a imprimée puis découpée pour ensuite la coller sur l'affiche finale sur fond uni (ici orange, mais il existe en bleu et jaune).
Un personnage s'appuie l'avant bras sur un meuble ou un objet qui a disparu, un autre est assis sur un banc. Les silhouettes sont découpées grossièrement, comme au ciseau, et l'on devine encore certains contours de la photo d'origine (entre les jambes de la femme debout, abords du cou de la femme assise).
L'une des deux poses parait naturelle et décontractée. L'autre est plus artificielle, jambes largement écartées, bras sur la cuisse, tête relevée, sac tenu du bout des doigts dans une position assez inconfortable à première vue.
La campagne évoque d'abord, par certains aspects, les constructions du peintre Francis Bacon, notamment son fameux Trois études de figures au pied d'une Crucifixion (1944, Londres, Tate Gallery) et son Triptyque 1983.
Le fond orange monochrome, les figures brutales, contorsionnées, rendent quelque chose du refus de Céline de donner une image propre, léchée et ostensiblement séductrice ou aguicheuse, que l'on retrouve dans trop de campagnes de mode. Le style Céline, avec des photographies à la lumière crue, pas tant réaliste que franche, directe, un peu brutale et heurtée, tranche avec l'esthétique euphorique et proprette, ronde et pulpeuse qui peuple tant de magazines.
Contrairement à Bacon chez qui l'on trouve une énergie vraiment organique, avec des chairs, des bouches, des contorsions des corps, Céline adopte un style plus anguleux, découpé, heurté, avec des angles droits et des bouts pointus, notamment sur les genoux et les coudes. Dans un univers de la mode dominée par les mouvements et les courbes du corps, Céline préfère les angles droits de l'architecture et des coups de ciseaux. On y retrouve aussi l'inspiration de l'artiste Hannah Höch, adepte du découpage / collage, comme dans l'exemple ci-dessous, Dans le Musée Ethnographique, toujours avec le même fond orange.
Contrairement à Bacon chez qui l'on trouve une énergie vraiment organique, avec des chairs, des bouches, des contorsions des corps, Céline adopte un style plus anguleux, découpé, heurté, avec des angles droits et des bouts pointus, notamment sur les genoux et les coudes. Dans un univers de la mode dominée par les mouvements et les courbes du corps, Céline préfère les angles droits de l'architecture et des coups de ciseaux. On y retrouve aussi l'inspiration de l'artiste Hannah Höch, adepte du découpage / collage, comme dans l'exemple ci-dessous, Dans le Musée Ethnographique, toujours avec le même fond orange.
Hannah Höch (dont j'ignorais l'existence il y a encore deux jours, donc mea culpa des bêtises que je pourrais dire), est une artiste de la république de Weimar, membre du mouvement Dada qui se retire de la vie publique au moment de l'arrivée au pouvoir d'Hitler (1933). Ses œuvres font partie du Slideshow que Vogue consacre à Phoebe Philo sur son site, il s'agit sans doute d'une artiste qu'apprécie la Directrice artistique de Céline. On leur trouve aisément des points communs. Hannah Höch est militante anti-guerre, anti concession, son goût du découpage est à la fois une manière de tailler dans le vif des conventions (idéal de la féminité nazie, hétérosexualité...), et le moyen de créer des liens nouveaux entre des objets, des cultures et des formes (ce qui est aussi une manière de s'opposer à la manie de la classification et de la ségrégation raciale propre au Reich). La campagne Céline reprend un peu de cette force subversive, comme manière de revenir au sujet principal, le vêtement, en évacuant et en dénonçant à la fois tout le barnum contextuel qui se substitue trop souvent à lui.
Hannah Höch a fait l'objet d'une exposition à la Whitechapel Gallery de Londres en 2014 (en savoir plus avec un très beau papier ici et ici)
Hannah Höch a fait l'objet d'une exposition à la Whitechapel Gallery de Londres en 2014 (en savoir plus avec un très beau papier ici et ici)
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