Friday, November 21, 2008

Le mouvement chez Dior

Dans la nouvelle campagne Lady Dior, Marion Cotillard met en scène les préceptes de la ligne serpentine et une certaine idée du mouvement.







Cette Affiche de la campagne Dior est d'abord un hommage direct à Erwin Blumenfeld, photographe de mode américain (1897 - 1969) avec ces photos publiés dans Vogue (1939), Model On Eiffel Tower et reproduites sous forme de cartes postales.


Dans l'affiche Dior, il y a d'abord le regard : un peu inquiet, porté sur un objet hors-champ. Il y a aussi le dos : un peu voûté, le corps penché en avant et la tête inclinée comme si le personnage regardait quelque chose légèrement par en dessous, ou venait de passer le seuil d'une porte imaginaire. Il y a surtout la torsion du corps : orienté vers la gauche (buste, jambe gauche) mais comme arrêté dans sa course, amorçant un retournement vers la droite (tête, bras). Tout indique un mouvement suspendu, ce qui correspond finalement assez bien au décor aérien de la tour Eiffel.
Plusieurs mouvements se superposent dans l'image. Il y a d'abord l'arc de cercle formé par la courbe de la lettre "D" qui semble se propager vers la droite comme une onde radio.









Plusieurs torsions affectent le corps de l'égérie, depuis l'inclination et le retournement de la tête, du buste, le déhanchement, le pli du genou et de la cheville. Le corps est traversé par une ligne serpentine verticale, née d'une tension corporelle qui rompt avec les canons de l'équilibre classique. On se doute que le personnage ne tiendra pas longtemps dans cette position inconfortable, peu naturelle, et qu'il lui faudra choisir de s'éloigner ou de se rapprocher de l'armature métallique contre laquelle elle s'appuie.










Ce thème du mouvement contrarié ou du retournement se retrouve en maints tableaux de l'école maniériste (Giulio Romano, la Circoncision, où les colonnes torses accentuent le dynamisme de la jeune femme du premier plan), mais également chez David, Les sabines et le personnage en robe blanche du premier plan, bras écartés), chez Ingres (Roger et Angélique) chez Poussin (observez la posture de l'homme en tunique jaune à gauche u prmeier plan de l'Enlèvement des Sabines), ou chez les romantiques, sans parler des torses de Michel Ange (le Moïse, les Sybilles du plafond de la Sixtine, etc.)










Chaque fois le corps s'enroule sur lui-même, se retourne totalement. Il ne s'agit pas seulement de regarder par dessus l'épaule, ou de lever le bras, mais de se contorsionner en suggérant un écartèlement entre deux directions opposées. A des degrés divers, ils aident à mieux comprendre la philosophie du mouvement de Dior, comme mouvement complet.

En effet, Dior n'est pas une marque du suggéré, de la discrétion, de la retenue. Le mouvement chez Dior n'est pas le mouvement d'un geste, du clin d'oeil, du sourire léger. Dior est une marque de l'emprise, du saisissement, de l'envoûtement du corps entier. Et met en scène des postures où le moindre muscle est contracté, le corps entier sollicité, des pieds à la tête.

Dans le même temps, on ne trouve pas ici les figures de transe, de transport ou d'extase habituelles de la marque. Cette figure du mouvement, à mi-chemin entre la majesté classique du contra posto et le dynamisme baroque boursouflé (corps transi, bras écartés, bouche grande ouverte, yeux révulsés), est sans doute celle qui convenait le mieux au plus sage des sacs de la maison Dior.

Campagne sac Lady Dior, avec Marin Cotillard, hiver 2008
Erwin Blumemfeld, Model on Eiffel tower
Ingres, Roger délivrant Angélique, Musée du Louvre
David, Les Sabines, Musée du Louvre
Giulio Romano, La Circoncision, Musée du Louvre

Sur la ligne serpentine, voir Hogarth, L'analyse du beau et ici.

Monday, November 17, 2008

L'odalisque dans la publicité

La figure de la belle endormie ou de l'odalisque est un classique de la publicité. Bientôt un post plus développé sur ce thème central.





































L'extase de Sainte Thérèse


Saison après saison, sainte Thérèse n'en finit pas d'inspirer les créateurs de mode et de parfum
.













C'est peut-être le thème religieux le plus abondamment traité de toute la publicité : l'extase de Sainte Thérèse, du Bernin.













Beaucoup ont déjà souligné, et bien souligné, la façon dont ce modèle de l'abandon et de l'ivresse, triomphe de la sculpture baroque, superbement mis en scène dans l'église Sainte Marie des Victoires de Rome, inspire les créateurs et les publicitaires soucieux de représenter le ravissement du produit. Il ne se passe pas 6 mois sans que cette figure revienne.










Devant ces affiches, le premier mouvement est d'exaspération : "Encore cette brave sainte Thérèse !" Mais la figure est reprise avec tant de constance et de fidélité qu'elle a fini par faire partie du décor, de la grammaire formelle de la publicité contemporaine, et devient presque un thème musical de l'imagerie commerciale.










Dix fois, cent fois reprises, avec d'infinies variations, de posture, de couleur, de regard, chaque photographe y apporte sa vision, comme si la figure de Sainte Thérèse était devenue, à l'image de la Crucifixion ou la Sainte Famille, une figure classique auquel tout photographe se devait de se frotter. Aussi faut-il s'attendre à la revoir souvent.

J'adore Dior avec Charlize Theron
Collection Louis Vuitton 2007
Opium Yves Saint Laurent
Gucci by Gucci

Sunday, November 02, 2008

Chanel, Piranèse et Fussli


Karl Lagarfeld rejoue dans ses installations monumentales le thème néo-classique de l'admiration mélancolique devant les chefs d'oeuvres du passé.


En 2008, la collection prêt-à-porter de la maison Chanel défilait sus la nef du grand palais au pied d'une installation monumentale en forme de veste blanche à broderies, posée comme un totem géant au milieu d'un podium circulaire, hommage superbe à un vêtement culte de la maison.

Ce dispositif a déjà l'originalité de renverser le rapport scène / coulisses puisque celles-ci se situent littéralement au milieu de la scène, et non pas derrière comme c'est le cas habituellement. La veste est en réalité une armature creuse à l'intérieur de laquelle les mannequins peuvent se préparer, et d'où elles apparaissent par une petite embrasure aménagée sous le dernier bouton.

Ce dispositif est surtout une manière de rendre un culte à la figure tutélaire de la maison, dont les créations sont érigées comme de véritables monuments, en comparaison de quoi les contemporains ne sont que des nains. On retrouve ici toute une tradition néo-classique et romantique de la méditation sur les ruines et les monuments du passé. Dressées au milieu du paysage comme des balises temporelles, ils rehaussent la nature et y introduisent une méditation mélancolique sur le génie des anciens, le temps qui passe et la mort (sur le thème de la ruine, voir également ici). A bientôt 80 ans, K. Lagarfeld ne prétend d'ailleurs jamais autre chose que revenir aux sources de l'esprit Chanel, proposer des vêtements que Chanel elle-même aurait pu réaliser : il n'est que l'exécutant d'une partition écrite avant lui où tout est déjà dit.













On reconnaît dans la mise en scène du grand palais quelque chose du Désespoir de l'artiste devant la grandeur des ruines antiques de Johann Heinich Fussli (1741 - 1825) ou des caprices et vues de Rome de Piranèse (1720 - 1778). L'éthos de Lagarfeld rappelle celui de ces petits personnages qui se promènent au pied de monuments gigantesques. La dimension mélancolique et douloureuse s'est effacée (en partie), mais l'hommage et la révérence persistent.









En réaction aux ornementations baroques et aux égarements du style rococco jugé excessivement maniéré, le néo-classicisme avait voulu célébrer au XVIIIème siècle la beauté éternelle de l'art grec antique, les vertus mâles de la première République. Pour une marque comme Chanel, incarnation de la modernité classique, c'est une filiation créative et un registre esthétique qui se comprennent aisément (notamment vis-à-vis de Dior).

La méditation devant les ruines est un thème multiforme, tantôt optimiste et admiratif, tantôt douloureux, sombre, désespéré. Et l'inspiration gothique des campagnes Chanel Automne Hiver 2008 avec Claudia Schiffer donnera bientôt lieu à de nouveaux commentaires.

Thursday, October 23, 2008

Gucci et Botticelli


La campagne Automne/Hiver 2008 des sacs Gucci rend hommage au célèbre tableau de Botticelli
Le Printemps (1482), et en profite pour réinterpréter les thèmes de la danse des nymphes, des trois grâces et du renouveau de la nature.

Dans une prairie d'herbes hautes, trois jeunes femmes (?) se tiennent la main et dansent au milieu des fleurs jaunes. L'une d'elle est cachée derrière sa voisine, on ne voit que sa main et son pull mauve. Les gestes et les postures sont une évocation des trois jeunes femmes du célèbre tableau de Botticelli, sans doute les trois grâces (la joie, l'abondance, la splendeur). Les grâces sont des divinités présidant aux banquets et festivités diverses, elles sont aussi considérées comme des symboles de l'amour, de la beauté et de la chasteté. Dans ce cas, la mise à l'écart de la troisième suggère peut-être la volonté de la part de Gucci de mettre en sourdine l'une d'entre elles, en l'occurrence (peut-être) la chasteté. On ne sait pas.

Sur la droite, une autre jeune femme se tient face au spectateur, et porte à ses lèvres un coquelicot (rouge) qu'elle tient dans sa main gauche, sans qu'on puisse clairement déterminer si elle respire et s'enivre du parfum (ce qui est délicat dans la mesure où le coquelicot est réputé ne pas avoir d'odeur) ou bien au contraire si elle souffle sur la fleur dans notre direction (à la manière de la nymphe Flora aidée par Zéphyr dans le tableau de Botticelli).

Les nymphes hippies

Dans la mythologie antique classique, les nymphes sont des esprits féminins symbolisant la nature. Il en existe de différentes familles : dryades (fleurs et forêts), oréades (montagnes), naïades (sources, rivières), néréides (mer), etc. Veillant sur les sources, les fleurs et les bosquets, ce sont (i) des esprits bienfaisants qui veillent sur les jeunes amants et en particulier les jeunes femmes, ce qui est de bon augure pour Gucci. Les nymphes sont (ii) le plus souvent représentée nues, pour séduire et jouer avec le coeur des hommes, ce qui là encore peut correspondre aux valeurs visées par Gucci. Elles sont aussi (iii) des intermédiaires entre les hommes et les dieux, et peuvent de ce point de vue servir d'agent de liaison entre les consommateurs et la marque ainsi implicitement divinisée.

En mettant son pas dans ceux du grand peintre, Gucci propose une vision bucolique d'inspiration hippie, où les jeunes filles habillées en peau de bête (fourrures, plumes, lainages) et vestes à franges en poil de chameau se trémoussent dans un paysage sauvage de basse montagne. Les affiches permettent de s'appuyer sur un répertoire mythologique déjà disponible et de surfer sur l'imaginaire greco-romain des nymphes et des grâces, dont on a essayé ci-dessus de souligner l'intérêt, tout en réinterprétant ces thèmes dans un sens nouveau. Référence à l'Arcadie primitive, à l'harmonie des soirs d'automne loin de la jungle urbaine, la pub a le double avantage d'une modernisation de l'olympe antique, tout en adoptant des codes visuels très vintage pour le public contemporain. En 2008 l'automne est le nouveau printemps, une autre renaissance de la nature et de la vie, car il n'y a pas de "saison morte" dans l'année de la mode.

Par ici pour le site Gucci.

Friday, October 17, 2008

Merchandising de luxe et Art Minimal


Un exemple parmi d'autres des liens ténus de l'art et le luxe.


Les corners des grands magasins ou les vitrines des boutiques de luxe s'inspirent directement, dans les dispositifs d'éclairage ou l'aménagement des étagères, des formes plastiques nées des oeuvres de l'art minimal ou de l'art conceptuel de la seconde moitié du XXème siècle.










L'influence de Donald Judd (ici à gauche : Stack, 1972, Centre Pompidou) est assez claire chez Dior Homme au Bon Marché : étagères lumineuses, alignement vertical régulier de rectangles de métal brossé, plexiglas lisse et brillant, acier inoxydable ou laiton. Les souliers sont posées sur des tablettes laquées, éclairés à travers des plaques translucides par des néons installés à l'intérieur des volumes, créant une lumière laiteuse, lunaire.










Dans les vitrines de Louis Vuitton sur les Champs Elysées et en octobre 2008 dans celles de Christofle rue royale, c'est Dan Flavin (ici en haut à la Fondation Cartier) qui inspire les scénographes et vitriniers (sic).













Les sacs et les manteaux apparaissent dans un décor de néons multicolores, qui revisitent d'ailleurs le principe de l'enseigne lumineuse, ordinairement installée à l'extérieur de la boutique, et désormais chargée d'animer ses espaces intérieurs. Il y aurait comme cela des dizaines d'autres exemples à examiner où la forme des meubles (effets d'asymétrie, de décalages, ou d'extrême régularité), des caisses, la gestion de la lumière (transparence, opacité, jeux chromatiques), la conception de l'espace dans les lieux de vente s'inspire plus ou moins directement de courants artistiques.

Ce choix de l'art minimal peut surprendre, au moins à double titre.

  • D'une part, c'est un art dont on disait à l'époque qu'il ne pourrait jamais se fondre dans la culture populaire (posters, références communes), tant il semblait conceptuel, aride, radical. Il y entre aujourd'hui par une voie détournée.
  • D'autre part, c'est un art qui a d'emblée cherché à évacuer les signes visibles de l'effort, des émotions ou du travail de l'artiste, au profit des formes pures, géométriques, industrielles, impersonnelles. Aussi est-il curieux de les retrouver associés aux objets de luxe "faits main" avec une "profondeur", du savoir-faire artisanal incarné, etc...
L'art minimal se concentre sur les données fondamentales de l'espace et de l'objet (dimension, surface, emplacement) et crée des objets conçus pour être appréhendés directement pour ce qu'ils sont. Il n'y a rien à aller chercher "au-delà" de la perception directe (interprétation, symboles, etc). Les artistes de cette école (Frank Stella, Robert Morris, Carl andré, Sol Le Witt, Dan Flavin, Donald Judd) restent fidèles à la formule de l'architecte Mies Van der Rohe : "Less is more".

Sans doute les marques trouvent-elles dans cette complémentarité entre l'impersonnel géométrique et l'objet de luxe chargé d'histoire l'occasion d'une rencontre intéressante, en plus de l'intérêt plastique des oeuvres en elles-mêmes.

C'est aussi (peut-être) le moyen de récupérer implicitement tout le travail de l'art minimal sur la posture du spectateur. Les objets de l'art minimal obligent toujours le visiteur à s'interroger sur sa perception (qu'est-ce que je vois exactement ?), c'est-à-dire à "faire le point" pour se reconnecter avec les données essentielles de l'expérience sensorielle : couleurs, formes, surfaces, etc. Voilà qui permet justement de préparer à la pure perception des produits et d'alimenter le sentiment qu'ils sont différents des autres, et (légitimement) plus cher.

Retournement curieux : tandis que les artistes de ce courant se sont efforcé, en créant ce qu'ils appelèrent des "objets spécifiques" à englober le contexte environnant dans l'oeuvre elle-même, aujourd'hui c'est l'oeuvre qui est devenue l'espace environnant, le support sommé de mettre en valeur un objet posé dessus.

Voir le dossier du Musée National d'Art Moderne / Centre Pompidou

Chaumet et la Querelle des anciens et des modernes


De l'influence de la littérature et de la poésie dans l'univers des bijoux









La collection du joaillier Chaumet baptisée "attrape moi si tu m'aimes" déploie sa vision délicate et bucolique de la vie dans les campagnes, et propose des bijoux en forme de petits insectes, coccinelles, abeilles, araignées sur leurs toiles, etc.

Cette inspiration naturaliste est monnaie courante dans la haute joaillerie, où l'on ne compte plus les colliers, anneaux, broches inspirées des formes organiques, animales et naturelles. Le thème de la panthère chez Cartier, les créations de l'art nouveau en général et Lalique en particulier en sont des exemples (voir ici). Avant cela, au sein de la maison Chaumet, ce goût des formes de la nature fut très en vogue au XIXème siècle pendant la période romantique, sous la direction de Jean-Baptiste et Jules Fossin.

J'ai été intrigué par le choix de deux insectes qui reviennent avec insistance dans cette collection, et en particulier dans les bagues et les boucles d'oreilles : les abeilles et les araignées. Pourquoi ce choix ? Ce sont bien évidemment des animaux familiers, et en tant que joaillier de Napoléon, Chaumet se devait de faire un sort à la figure de l'abeille, adoptée par l'empereur comme symbole de pouvoir, d'immortalité et de résurrection, et considérée comme le plus ancien emblème des souverains de la France (on dit que des abeilles d'or - en réalité des cigales - ont été découvertes en 1653 à Tournai dans le tombeau de Childéric Ier, fondateur en 457 de la dynastie mérovingienne et père de Clovis). Bref.

L'abeille et l'araignée sont aussi les deux symboles des deux camps rivaux de la scène littéraire française du XVIIème siècle, les anciens et les modernes. L'essai de Marc fumaroli en préface d'une anthologie publiée chez Folio l'explique très bien. Pour les anciens, selon le modèle de Sénèque, "il faut imiter les abeilles", c'est-à-dire lire beaucoup d'auteurs, butiner le pollen de plusieurs grands maîtres avant de faire son propre miel. Pour les modernes au contraire, il faut rompre avec le passé, et imiter les araignées qui "tissent leur toile de leur propre fonds". C'est l'amorce d'une conception de l'homme de lettre comme génie, n'ayant besoin de personne.

Il n'est pas anodin que les boucles d'oreilles (qui vont par deux) ou que les bagues de la collection reprennent l'antagonisme des abeilles et des araignées. Voilà qui cosntruit une dialectique interne à la marque et rajoute une couche imaginaire à la perception des bijoux. Pour des marques de luxe toujours à la recherche des moyens de concilier ou de symboliser le rapport de la tradition et de la modernité, c'est un procédé plutôt subtil, assez bien vu.

Chaumet

Monday, September 01, 2008

Vacheron Constantin et Les arts premiers


Autre exemple de la relation entre les arts premiers et les marques de luxe.


La marque Vacheron Constantin a lancé récemment sa collection de montres "masques", avec sur le cadran de chacune d'elle un masque d'art premier en provenance des 4 coins du globe : Asie, Amérique, Océanie, Afrique.

Les arts premiers sont à la mode, et la capitale française en sait quelque chose depuis l'ouverture du musée du quai Branly. Mais leur intégration dans l'univers du luxe, de la haute joaillerie et de l'horlogerie n'est pas courante. Sans doute les marques qui défendent des valeurs de civilisation et de sophistication craignent-elles de s'associer à des cultures longtemps qualifiées de "primitives".

Il en va autrement ici, car l'intégration des arts premiers donne l'occasion d'une méditation intéressante sur le temps. Après l'image du temps comme tradition, la rhétorique de la précision, de la performance, les arts premiers incarnent ici d'une certaine manière rien moins que l'origine du temps. Une origine qui n'est pas chronologique au sens où elle serait la plus ancienne, mais une origine symbolique, à laquelle sont associés des vertus magiques, chamaniques ou surnaturelles.



Il va de soi qu'avec une vraie montre de luxe il est question de bien plus que simplement donner l'heure. Au moins valorise-t-on ici autre chose chez celui qui la porte qu'une éthique de la performance ou l'appartenance à la race des seigneurs. Par le truchement des masques, ce n'est rien moins qu'un certain imaginaire de la durée que l'on mobilise et que l'on matérialise à travers l'objet. Il fallait le faire.